Dans cette section, je présente un ensemble de techniques que j’ai découvertes au fil des années au gré de mon propre cheminement. Je le souligne à nouveau, il n’y a pas de technique miraculeuse. C’est en combinant un ensemble de démarches, que ce soit la médication, la consultation avec un psychologue, la pratique de certaines de ces techniques, des changements à nos habitudes de vie et manière d’appréhender le monde, une décision claire de vouloir faire ce qu’il faut pour changer, et beaucoup de ténacité qu’on met les chances de notre côté! Il ne devrait pas y avoir de honte à être anxieux ou dépressif. L’anxiété et la dépression ne sont pas “de notre faute” à proprement parler, mais en même temps, de dire qu’on ne peut rien y faire serait faux. Comme dans tout ce qu’on choisit d’étiqueter ou ranger dans des petites boites, la réalité se trouve quelque part entre les pôles de la responsabilité totale, et l’acte de dieu. En je le répète, je n’ai pas la prétention d’être psychologue ou de savoir ce qui fonctionnera pour autrui, je ne fais que partager ce qui m’a aidé moi.
Parler lentement
C’est une technique que j’ai rencontrée lorsque j’ai consulté la première fois il y a bien des années déjà, et pour une raison que j’ignore, je l’ai oubliée, jusqu’à la retrouver dans la formation du Dr. Thomas A. Richards, du Social Anxiety Institute, où elle prenait une forme différente. Sous sa première forme, il s’agissait de lire à voix haute, en prenant le soin d’articuler mais surtout, de ralentir le débit, en deçà de ce que je percevais comme étant déjà trop lent. J’ai réalisé à ce moment à quel point je parlais vite, et donc, à quel point les pensées se bousculaient dans ma tête. Dans la formation du Dr. Richards, cette technique prend la forme d’un ralentissement de notre élocution. Il s’agit de faire l’effort conscient de ralentir le débit. Ceci a pour effet de ralentir par le fait même la pensée, et aide à soulager les symptômes de l’anxiété, en particulier ceux de l’anxiété sociale. Au début, on pratique cette technique dans des situations non stressantes, par exemple seul avec soi-même ou avec des proches. Ces derniers ne réaliseront aucunement le ralentissement du débit, où s’il le remarquait, ce serait anodin car on aura seulement l’air plus calme qu’à l’habitude. C’est un exercice particulièrement simple, qu’on peut pratiquer en tout temps. Au fur et à mesure où on s’habitue à le faire, on peut étendre les sphères où on le pratique pour apporter cette technique dans des situations plus anxiogènes. En bout de piste, la technique peut être étendue à ralentir les pensées en s’efforçant de les articuler mentalement plus lentement, du moins lorsqu’elles sont verbales. C’est un des piliers de la formation du Dr. Richards, une des seules formations pratiques tirées de l’approche congnitivo-comportementale sur l’anxiété sociale que j’ai trouvée dans mes recherches. Cette formation est faite dans l’esprit de réellement aider les gens, avec une intime compréhension de ce qu’est ce type d’anxiété.
Imaginer le pire
Cette technique est particulièrement utile lorsque l’anxiété porte sur un objet clair, par exemple la peur d’un examen à venir, d’une présentation future, d’arriver en retard à un événement, et ainsi de suite. La technique consiste à se demander ce qui arrivera si ce qu’on redoute arrive. Mais il ne faut pas s’en arrêter là, et il faut plutôt se poser à nouveau la question, afin de remonter la chaîne, et d’identifier ce qui nous fait réellement peur. Il sera ensuite possible, de manière rationnelle et détachée, de dédramatiser la situation. C’est évidemment beaucoup plus facile à dire qu’à faire, et parfois, pour dédramatiser ça prend vraiment de l’aide d’un observateur externe qui peut mettre en doute nos croyances irrationnelles. J’ai rencontré cette technique à de nombreuses reprises, et elle peut clairement aider à mieux comprendre ce qui se passe en nous. Par exemple:
Foo: J’ai peur pour ma présentation demain.
Bar: De quoi?
Foo: Je vais être nerveux, trembler, rougir, et on va s’en rendre compte.
Bar: Et c’est grave?
Foo: Ben oui, on va se moquer de moi.
Bar: Et pourquoi ca t’énerve.
Foo: Personne n’aime être jugé, on va rire de moi, me rejetter, me trouver incompétent.
Bar: Et alors?
Foo: Je vais être écarté, rejetté.
Bar: Et puis?
Foo: Bah, je vais me retrouver seul, isolé, sans personne.
Visualisation négative
Cette technique est bien populaire dans les adeptes du stoïcisme redécouvert ces dernières années dans la Silicon Valley. L’entrepreneur, investisseur, auteur et bloggeur Tim Ferris s’est beaucoup intéressé à ce sujet, et cette technique en est une qui revient souvent dans les discussions sur le sujet. Elle aide particulièrement avec le problème du “gazon plus vert chez le voisin”, ou exprimé autrement, de notre biais cognitif de comparaison négative, qui tend à surévaluer une situation autre que la nôtre, et à sous évaluer la sienne. La technique est simple. À tout moment, il suffit d’imaginer une situation pire que celle que l’on vit, et de s’y comparer favorablement. En effet, on a tendance à s’habituer à notre propre situation et à oublier combien les choses pourraient effectivement être pires. On pourrait être malade, ne pas avoir à manger, il pourrait faire terriblement froid, on pourrait être à la rue, avoir perdu l’usage de la vue. Bref, notre imagination peut aisément imaginer des tonnes de situations défavorables par rapport à la situation actuelle. Attention, si on est déprimé, il ne suffit évidemment pas d’imaginer comment notre situation pourrait être pire pour faire lever la dépression, l’exercice ne doit pas être une manière d’éviter d’adresser un réel problème. Ce n’est pas non plus une abdication et un renoncement à tenter de faire mieux, mais au quotidien, lorsque nos biais cognitifs négatifs nous démotivent, il aide à garder le cap et à apprécier la chance qu’on a, que l’anxiété et la dépression arrivent aisément à nous faire oublier.
Gratitude
Dans le cours sur le bien être The Science of Wellbeing, donné par Laurie Santos de l’université Yale, cette technique est identifiée comme un des éléments clés d’une pratique visant à améliorer notre ressenti quotidien. La technique peut prendre différentes formes, mais il s’agit en général d’exprimer de la gratitude pour des choses qui nous sont arrivés. On peut en faire une pratique quotidienne où par exemple, avant de se coucher, on passera en revue trois items de notre journée pour lesquelles on est reconnaissant. On peut le faire dans notre tête, ou encore mieux, tenir un journal de gratitude. Il peut s’agir de choses simples, comme d’être reconnaissant envers un ami qui nous a rendu visite, ou envers le commis qui nous a aidé à emballer notre épicerie. On peut aussi élargir la gratitude pour tenir compte de la complexité du monde et du mystère qui l’anime, par exemple en étant reconnaissant envers tous ceux qui ont contribué à faire en sorte que notre pain soit sur la table ce matin, en partant du cultivateur du blé, en passant par celui qui l’a moulu, puis celui qui a transporté la farine, puis à celui qui l’a distribué au boulanger, puis à ce dernier qui s’est levé à 4h du matin pour préparer le pain, puis au commis qui nous l’a vendu ce matin. Bref, c’est sans limite, et ça aide à prendre conscience de ce qui est à l’extérieur de nous et nécessaire à notre bienêtre. De prendre conscience de tout ce mystère et de comment les choses semblent fonctionner d’elles-mêmes peut faire le plus grand bien.
Recadrer les papillons
Cet exercice est en fait un truc, un “hack” de notre perception, afin de recadrer notre jugement sur ce qu’on ressent. Dans un contexte d’anxiété anticipatoire, ça peut s’avérer particulièrement utile. Lorsqu’on sent monté l’anxiété en nous, il peut s’agir d’un ressenti plutôt désagréable. Selon l’intensité vécue, il peut s’agir d’un léger inconfort ou aller jusqu’à ce qui s’apparentera à de la panique, avec le coeur qui débat intensément, qu’on semble même parfois en mesure d’entendre, les sueurs froides, les tremblements, la gorge qui se noue, les pensées négatives qui se bousculent, le désir de fuir. L’effet se multiplie lorsqu’on cherche en plus par tous les moyens à se débarrasser de ces sensations ou à les masquer. Plus on cherche à combattre cette anxiété, plus elle gagne en force. Essayer de ne pas y penser est futile, on en ressent l’intensité et notre attention s’y pose immanquablement, en plus de constamment vérifier si elle est présente, ce qui, comme pour l’éléphant rose qu’on cherche à oublier, nous assure qu’elle persiste et signe. On dit souvent qu’il est préférable de surfer la vague plutôt que de chercher à ne pas être ébranler par son passage. Une manière d’y arriver avec l’anxiété est d’accueillir cette dernière. Ce ne sera pas facile, surtout si comme moi, vous cherchez à tout prix à ce que cette anxiété ne soit pas vu d’autrui (on est alors anxieux d’être anxieux…), alors ça devient un cercle vicieux, et de l’accueillir est la dernière chose que vous souhaitez. Mais une façon d’y parvenir est de recadrer l’anxiété en l’étiquetant comme de l’excitation (émotion positive), plutôt que comme une peur d’une chose à venir (émotion négative). Il est plus facile de procéder ainsi lorsque l’anxiété est encore d’une intensité faible ou moyenne, afin d’éviter de basculer vers la panique. Ceci s’est en particulier avérer très positif avec mon propre fils. En expliquant les papillons à l’estomac avant ses pratiques de soccer comme étant de l’excitation quand à l’idée de pouvoir courir sur le terrain avec ses coéquipiers, plutôt qu’une peur diffuse d’y participer, le ressenti devient immédiatement positif, et la préoccupation envers celui-ci se trouve amoindrie. Cet article explique le fondement derrière cette technique.
Distraction
Cette solution est toute simple, mais elle est très efficace. Lorsque nous vivons de l’anxiété, nous ne sommes plus dans le moment présent en train de vaquer à notre occupation, mais bien dans notre tête, en train de penser, de se projeter dans le futur, d’imaginer différents scénarios. Un des éléments qui fait en sorte qu’on a de la difficulté à sortir de notre tête est qu’on accorde une grande valeur à cette anticipation, à toute cette réflexion. On la juge effectivement utile. On se dit qu’en pensant à notre problème, on s’active à trouver une solution ou à éviter une souffrance future, et donc qu’on agit dans la bonne direction. Une fois que l’on aura bien clarifié nos pensées, ce sera terminé. Le problème, c’est que ça ne se termine jamais. On imagine une foule de scénarios, différentes possibilités, et on s’enfonce dans nos pensées. Puis, notre corps s’en mêle, et on se sent physiquement anxieux, ce qui nous incite à y penser davantage, afin de faire disparaître les sensations physiques désagréables qui accompagne notre inquiétude.
La solution ici consiste à se distraire, à se lancer dans une activité qui nous obligera à porter notre attention ailleurs. Il peut s’agir de chanter dans notre tête ou à haute voix, de danser, d’écouter de la musique, de pratiquer un sport, de lire un livre, de faire la vaisselle. En fait, n’importe quelle activité nous demandant un minimum d’attention fera l’affaire. Mais pour réussir à se distraire, pour accepter de passer à autre chose en s’investissant dans une distraction, il faut d’abord comprendre que notre réflexion anxieuse n’est pas utile.
Notre anxiété est en général convaincante, on croit dure comme fer qu’il faut résoudre le problème dès maintenant, qu’il est bon d’y consacrer du temps. Pour remédier à cet enjeux, on peut convenir qu’à tous les jours, on se donne une période de temps pour réfléchir à ce qui nous préoccupe. Puis, lorsque l’anxiété vient, on peut prendre note de ce qui nous préoccupe. Le moment venu, on reviendra aux notes prises pendant la journée, puis on y consacrera le temps choisi (par exemple 30 minutes par jours) à réfléchir à ce qui nous préoccupe. Si on juge qu’il n’est plus nécessaire d’y penser, on n’utilise pas le temps. L’important est de savoir qu’à tous les jours, au besoin, on a du temps dédié à la réflexion, si nécessaire.
C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Je me suis trop souvent enfoncé dans me pensés, jusqu’à me demander pourquoi j’existais, quel était le sens de la vie, comment devais-je orienter mes actions. Tant que je n’aurais pas de réponse à ces questions, comment pourrais-je arrêter de penser? Il me faut ces réponses, sans quoi je ne pourrai prendre aucune décision. Pour cet anxiété plus existentielle, l’exercice suivant est très utile.
Exercices des valeurs
Cet exercice a été pour moi un élément structurant. Il aide à mettre en place une solide fondation sur laquelle tout le reste peut s’appuyer. C’est un élément clé de la thérapie d’acceptation et d’engagement. Il s’agit ici de déterminer nos valeurs, ce qui est important pour nous, dans différentes sphères d’activité. Puis, on se donne des objectifs à court, moyen et long terme dans chacune des sphères. L’idée maîtresse est que pour éprouver un sentiment de plénitude dans nos vies, il est essentiel de vivre en alignement avec ce qui est important pour nous. Et à l’image de la métaphore de la serre, si on n’accorde pas assez de temps à ce qui nous tient véritablement à coeur en consacrant trop d’énergie, par exemple, à une seule des sphères d’activité qui comptent pour nous, alors nous éprouverons un vide intérieur important, qui peut grandement contribuer à l’anxiété et la dépression.
Par sphère d’activités, on entend ici par exemple la famille, les amis, le travail, le développement personnel, la collectivité, l’environnement, la santé physique et mentale, et la spiritualité. Pour ma part, à toutes les semaines je revois ce que j’aimerais accomplir à court, moyen et long terme dans ces différents domaines d’activité, et je m’assure que j’ai bien consacré le temps souhaité la semaine précédente à ce qui compte pour moi. L’idée n’est pas d’avoir une liste de tâches à accomplir, mais plutôt de s’assurer de ne pas oublier de budgéter du temps pour des choses qui nous tiennent à coeur. On réalisera assez vite si on néglige les amis, la famille ou si on ne se préoccupe pas de sa santé.
Cet exercice m’aide à m’assurer de garder les priorités au bon endroit, et de maintenir un certain équilibre. Il m’aide aussi grandement avec l’anxiété existentielle car je n’ai plus à me demander comment vivre ma vie. La solution est simple, je dois la vivre en concordance avec mes valeurs, à m’investir dans ce qui compte réellement à mes yeux, ce qui me nourrit. Puis, le fait que certains des sphères soient externes à ma petite personne, par exemple en ce qui concerne la collectivité ou l’environnement, assure aussi que j’oriente mes actions vers l’extérieur, à participer au bien commun. Ce n’est pas le fait d’accomplir les objectifs que je me donne ici qui est important, mais d’incarner les valeurs et de leur consacrer une partie de mon attention, donc de mon temps.
Optimisme appris
J’ai longtemps été un pessimiste. En fait, je me considérais comme un réaliste. Pour moi, de voir le verre à moitié vide était plus près de la vérité que de le voir à moitié plein. Il y a tant de scénarios possibles où notre désir ne se réalise pas, et si peu où il se réalise. Pourquoi nourrir l’espoir et risquer d’être déçu? Aussi bien tout de suite admettre que ce qu’on désir n’est pas possible, et s’épargner la souffrance d’échouer à l’obtenir. Mais de s’empêcher de nourrir l’espoir est un pas de plus dans la direction de ne pas pouvoir bénificier de la satisfaction d’obtenir ce qu’on désir. Pourquoi? Parce que dans les faits, il y a un cercle vicieux qui se manifeste à ne pas croire en la possibilité de quelque chose. N’y croyant pas, on n’agira pas pleinement dans la direction de ce que l’on veut, exerçant une certaine retenue, ne voulant pas être déçu d’avoir consacré trop d’énergie à essayer puis échoué.
Lorsque l’on accepte que nous sommes plus résilients qu’on le croyait, et que la déception finit toujours par passer et n’est pas si douloureuse, alors on peut se permettre d’être optimiste. L’optimisme est un choix. C’est celui de remettre en doute les pensées négative qui viennent automatiquement, et de les remplacer par des pensées plus utiles. Par utiles j’entends qu’elles nous emmènent davantage de bienêtre. Plutôt que d’imaginer tout ce qui pourrait ne pas se dérouler convenablement dans notre entretien à venir, pourquoi ne pas plutôt imaginer tout le positif qui pourrait en résulter. Le rencontre avec notre interlocuteur sera peut-être intéressante, notre candidature pourrait être retenue, et si elle ne l’était pas, ce serait l’occasion de trouver autre chose d’encore plus intéressant ailleurs, que rien n’arrive pour rien. Pas besoin que ce que l’on se dit soit la pure vérité car trop souvent, on ne la connait pas et il ne s’agit que d’une interprétation. Alors plutôt que d’interpréter négativement, aussi bien faire le choix d’interpréter positivement, même si ça semble moins probable, l’essentiel est que ce soit utile, que ça nous procure davantage de bienêtre. Bien entendu, il ne s’agit pas de se mettre la tête dans le sable, et de ne pas reconnaître l’évidence de la réalité, mais lorsque l’interprétation a peu de conséquences, aussi bien imaginer les scénarios positifs.
Lorsque vient le temps de penser à tous les enjeux auxquels pourrait faire face un projet d’affaire, il est certainement bon de faire preuve d’un peu de pessimisme, afin d’analyser toutes les possibilités correctement. Mais dans la vie de tous les jours, il est bon d’avoir la flexibilité mentale nécessaire pour faire le choix d’être optimiste lorsque c’est plus utile. Tout ceci vient de la psychologie positive, qui se consacre à l’étude de la “bonne vie”. Plutôt que de se concentrer sur les pathologies, cette approche vise à améliorer la qualité de vie des individus. C’est un domaine de la psychologie qui est relativement récent, fondé par Martin Seligman en 1998. Je recommende sa conférence TED pour une introduction rapide, et il est l’auteur de quelques livres sur le sujets qui méritent attention, dont un mentionné dans les ressources sur ce site.
« Si notre pensée est embourbée dans des significations symboliques déformées, des raisonnements illogiques et des interprétations erronées, nous devenons, en effet, aveugles et sourds. »
Aaron T. Beck, fondateur de la théorie cognitivo comportementale