Étrange comment parfois la réalité se présente à nous. Mes démarches les plus récentes m’ont menés vers une nouvelle exploration de ce que la méditation a à offir. J’ai plusieurs fois fait les premiers pas. Ma dernière tentative sérieuse avait été celle d’utiliser l’application Headspace et d’écouter ce qu’Andy Puddicombe avait à enseigner. J’y ai appris beaucoup sur les différentes techniques (balayage de notre corps, focus de l’attention, note mentale, amour et compassion), mais j’avais de la difficulté à me motiver à être régulier, et surtout à mettre la démarche en perspective pour mieux en saisir la finalité, et lui donner un sens. Plus récemment, j’ai revisité Eckhart Tolle (The Power of Now, A New Earth), et bien qu’il explique de belle manière la méditation, il tire des conclusions nouvel âge auxquelles un esprit moindrement scientifique ne peut tout simplement pas adhérer. Je ne peux nier les bénéfices que certains pourraient en retirer en évitant de se poser trop de questions, mais ce n’est pas pour moi. Par contre, à travers mes recherches pour trouver mieux, je suis tombé sur Sam Harris (neuroscientifique, philosophe, animateur de balado) et là, on tombe dans me cordes. Sam Harris a une démarche rationnelle, non religieuse, basée sur de nombreuses années d’exploration des traditions orientales, et parfaitement ancrée dans la réalité du monde scientifique moderne. Ses entretiens sous forme de balado sont passionnants, ses livres le sont tout autant, et l’application qu’il a mis en place (Waking Up) pour partager sa pratique méditative est tout simplement géniale, bien que plus difficile d’accès au début que Headspace peut l’être.
J’ai ainsi consacré du temps ces dernières semaines à explorer davantage la méditation, en en faisant une pratique régulière matin et soir, et en ponctuant la journée de brèves méditations lorsque possible. J’ai aussi consacré plusieurs heures à m’intéresser au sujet d’un point de vue conceptuel et philosophique, à travers différentes lectures ou l’écoute de conversations sur le sujet. Il y a encore un long chemin devant moi, mais j’ai tout de même fait quelqes constats, de même que noter quelques interrogations récurrentes quant à la pratique, que je souhaite mettre sur papier (virtuel) ici, afin de les partager, de les revisiter, et de m’assurer de poursuivre l’exploration. C’est la première fois que je ressens à ce point le besoin de poursuivre plus loin cette exploration, avec l’intime conviction que j’y trouverai quelque chose d’essentiel.
Le premier élément qui me vient en tête est la notion de distance qui s’installe par rapport aux pensées. Comme chacun de nous, je suis bombardé de pensées du réveil au couché. La méditation permet la prise de distance par rapport à ces pensées. D’une séance à l’autre, j’apprends progressivement à laisser les pensées apparaître puis disparaître, sans leur donner davantage d’attention que nécessaire. Ce n’est certainement pas facile, mais avec le temps, j’y arrive un peu plus. Ce qui est intéressant ici, c’est que cette aptitude peut être utilisée aussi en dehors des séances de méditation, que j’ai le choix de m’attacher ou non à une pensée qui surgit. Une pensée jugée inutile pourra simplement être acceptée et déposée, alors qu’une pensée utile pourra mener à un plein engagement de mon attention. Certaines pensées sont plus envahissantes que d’autres, mais la pratique permet progressivement d’avoir cette liberté, ce choix, de constater qu’au moment où la pensée surgit, il y a un bref instant aucours duquel on peut choisir, ou pas, d’y accorder toute notre attention. Ce petit geste fait toute la différence. Il en reste que pour ma part, dans une situation de stress intense, c’est pour le moment encore très difficile car toute la machinerie du système sympatique embarque encore rapidement. Mais j’ôse espérer qu’avec le temps, en étant en mesure d’effectuer ce détachement, le nombre de situations pour lequel la réaction quasi automatique de stress se mettra en branle, deviendra de plus en plus petit.
Un autre élément qui est grandement d’intérêt pour moi, est la réalisation que le contrôle que j’ai sur toute situation est extrêmement limité, ce qu’Harris nommerait sans doute le non déterminisme. Sans être trop réducteur, je pourrais affirmer que le seul choix dont je dispose réellement, est de décider où je pose mon attention d’un moment à l’autre. Les pensées, les représentations mentales et les sensations se présentent en ma conscience, sans pour autant que je ne choisisse réellement des les y porter. En quelques sorte, ce sont des portions de mon cerveau forgées par l’expérience, hors de mon champ de conscience, qui font émerger ces événements dans ma conscience, me donnant ensuite un choix. Lorsque je décide du menu pour le souper, ce sont des goût ou des odeurs qui me viennent à l’esprit dans un premier temps, puis selon où je pose mon attention, des idées de menu apparaîtront progressivement, et je choisirai parmi ce qui me viendra à l’esprit. Je n’ai pas choisi délibérément de penser à un plat en particulier, il est progressivement apparu en ma conscience, suite aux quelques choix que j’ai fait quant à où poser mon attention. Il en va de même pour la pratique d’une discipline quelconque. Il y a au début un effort conscient de poser le bon geste, par exemple celui de décoder de manière consciente une pièce de musique, de poser les doigts au bon endroit sur le piano, puis de s’assurer de coordonner précisément le tout de manière délibérée, avec un grand effort. Éventuellement, le tout se fera d’une manière un peu moins délibérée, toujours de manière pleinement consciente, mais sans avoir à recontruire le moindre geste de manièere dirigée. Le tout aura été intégré, et à ce moment, on veut éviter de basculer la conscience vers la crainte de se tromper, et la laisser dédiée au jeu. Il y aurait beaucoup plus à en dire, mais la grande révélation dans tout ça, et qu’on ne peut changer instantanément, qu’il y a toute une structure à défaire, et que la seule façon d’y parvenir et de porter son attention sur les bonnes choses d’un moment à l’autre. Chacun est donc en quelques sortes victimes de ses décisions passées et des circonstances qui se sont présentées à lui. C’est une grande source de compassion, car on peut comprendre d’où vient une certaine souffrance. C’est aussi source d’espoir car on peut toujours aspirer à s’épanouir davantage, sachant que ces structures sont maléable. En même temps, on ne peut espérer que quelqu’un change rapidement sans que ca vienne d’abord de lui, puisque lui seul contôle où il porte réellement son attention, et donc, c’est aussi source d’une grande responsabilisation.
Équipés de davantage de distance par rapport à nos pensées, et d’une plus grande compassion face aux autres et moi-même, ou vais-je ensuite? Là est où j’en suis dans ce grand questionnement quant à la direction à prendre en ce milieu de vie. Car bien que ce nouvel apport qu’on pourrait qualifié de spirituel est nourissant, il n’indique pour le moment pas la voix. Dois-je laisser le chemin émerger de mes pensées et des circonstances? Dois-je plutôt me définir un objectif clair et tout orienter pour l’atteindre?Pour le moment je dérive, mais dois-je écouter le cri des sirènes à chaque moment, ou plutôt savoir dans quelle direction mettre le cap. Le deuxième choix me parait le plus sage, mais comment définir ce cap? Bien entendu il y a les valeurs que j’ai identifiée comme m’étant chères, mais ce n’est pas suffisant, comment les transposer en geste quant aux grandes orientations d’une vie? Comment vivre une vie examinée? Pour le moment, je passe encore à côté.